La projection vocale, un phénomène affectif article de Renée Charron

Développer sa projection vocale

Toute personne qui parle ou chante se confronte à ces questions à un moment ou un autre de sa vie.

Comment faire pour être à l’aise lorsque je parle ou chante? Pourquoi ma voix devient enrouée tout à coup? Est-ce que ma voix est assez forte?

La voix est un phénomène complexe et pourtant si naturel ! Physiologiquement, l’essence même du son est de se propager dans l’espace et de s’épanouir. Imaginez une roche qu’on jette à l’eau. Vous voyez des cercles concentriques qui s’étalent jusqu’à disparaître. Eh bien ! Le son est cette onde vibratoire qui résonne et s’amplifie selon des lois similaires. On ne peut pas voir le son comme on voit l’onde sur l’eau mais on peut entendre si le son se diffuse, s’il a une longue portée ou bien s’il reste étouffé. 

Choeur magazine,
juin 1998 vol 41 (Belgique)
Renée Charron

Pour bien projeter le son, on doit utiliser, en principe, sa force de frappe et lancer la roche, si on conserve l’image utilisée précédemment. Cette force réside avec le mouvement respiratoire, porteur du souffle. C’est ce qu’on appelle, en termes techniques, utiliser son appui. Un bon orateur (ou chanteur) mobilisera donc sa musculature abdominale lors de l’émission vocale. Cette façon de faire permet au diaphragme de jouer son rôle de soutien et procure une assurance sans pareille.

Malheureusement, cette mécanique est souvent méconnue ou déficiente. Une prise de conscience et une rééducation du mouvement respiratoire sont nécessaires pour ne pas forcer de la gorge, s’épuiser ou même – ce qui est pire – perdre la voix.

Sentez-vous votre voix fatiguée après avoir parlé ou chanté longtemps? C’est fort possible que votre appui manque de tonus, de souplesse et de direction. Mais il est aussi possible que la voix soit gardée de l’intérieur, retenue. À ce moment-là, un autre phénomène se produit, qui est davantage d’ordre relationnel – même si c’est évidemment le corps qui se mobilise pour retenir. Bien qu’elle soit une réalité volatile, intangible, notre voix n’est pas déconnectée de ce que nous sommes, de ce que nous portons comme vécu. Par conséquent, nos émotions, ce que nous ressentons dans notre corps, et aussi ce que nous ne ressentons pas, a un lien intime avec la nature et la qualité de notre voix.

Ainsi donc, on pourrait dire que LA VOIX EST FONDAMENTALEMENT ET ESSENTIELLEMENT RELATIONNELLE.

Parler – ou chanter – nous place dans un contexte où nous avons à nous produire devant, à révéler quelque chose de nous. N’est-ce pas tellement plus facile de chanter seul dans son bain !…

Toutes sortes d’émotions ou de sensations se réveillent en présence d’une autre personne. Le corps se souvient – en deça de notre conscience – d’interdits ou de semonces du genre Baisse le ton, Cesse de crier, Pas si fort. Il s’est donc organisé pour retenir le son à notre insu.

La gêne peut représenter aussi un frein important. Parfois, l’intensité de l’expérience sonore fait peur, particulièrement dans le registre aigu. Heureusement, il est possible d’apprivoiser ces différentes sensations, de les faire siennes comme points de repère, et de prendre le risque d’aller au delà, de lâcher prise en quelque sorte. On n’accède parfois qu’à ce prix à sa pleine puissance vocale…