ENTREVUE
Réalisée dans la cadre de l’émission Culture Zone, diffusée sur MATV en juillet 2016
Questions formulées par l’animatrice Nabiha El Hafi
Réponses de
Renée Charron
C’est un atelier pas comme les autres que vous proposez, Renée Charron : la voix-thérapie.
En quoi cela consiste-t-il ?
C’est une approche que j’ai élaborée au cours des 20 dernières années et qui allie l’exploration vocale, le travail de la voix et la psychothérapie. L’utilisation de la voix se fait dans le but d’accéder au vécu de la personne, de son expérience immédiate, autant sensorielle que relationnelle. La voix a cette extraordinaire capacité de nous remettre en contact avec nos émotions.
Vous parlez de l’impact émotionnel et corporel que peut apporter la voix-thérapie. Comment cela fonctionne-t-il ?
Lorsqu’on travaille avec la voix, on se penche en premier lieu sur le souffle, car le mouvement respiratoire supporte la voix, peu importe que ce soit pour parler ou pour chanter. La façon dont j’aborde le souffle – dans son mouvement d’origine – reconnecte avec notre énergie, avec notre univers intérieur. Dans cet univers, il y a des sensations et des émotions avec lesquelles nous sommes familiers. Mais on découvre aussi, de manière exploratoire, des sensations nouvelles et, par conséquent, des émotions moins habituelles. Lorsque cette expérience se vit en présence de quelqu’un – que ce soit avec moi seulement, ou en groupe – le partage de ce vécu crée un contact interpersonnel plus intime qu’à l’habitude. Parfois, vivre cette proximité réveille toutes sortes de réactions qui sont, elles aussi, explorées, nommées, reçues. Un processus d’apprentissage et d’intégration se met alors en place et un changement s’opère, doucement. C’est un processus d’évolution, de croissance.
Comment en êtes-vous venue à créer un tel atelier?
C’est un long cheminement. Au départ, je voulais faire carrière comme chanteuse. J’ai suivi des cours de chant et plusieurs ateliers de voix et d’abandon corporel donnés à l’époque par une chanteuse classique qui s’avérait être aussi thérapeute en gestalt. Ça a été mon premier contact avec l’univers de la thérapie. J’ai chanté quelques années professionnellement, en tant que choriste et aussi dans des spectacles solo, sur scène, à la radio et à la télé. Mais par moments, il était difficile de gagner sa vie, alors j’ai commencé à faire du « coaching » vocal et à donner des cours de voix. Et j’ai aimé ça! C’est aussi à cette époque que j’ai entrepris une psychothérapie personnelle en abandon corporel qui s’est transformée au fil du temps en démarche et en recherche sur l’être humain. Puis, j’ai fait un baccalauréat en psychologie que j’ai terminé en 1995. Je m’intéressais particulièrement à l’approche psychodynamique (qui découle de la psychanalyse) et aussi à la bioénergie.
Au niveau de la voix, j’ai notamment travaillé avec Diane Ricard, une professeure spécialisée en psychophonie et avec Colin Doroschuck du groupe Men Without Hats.
Il y a quelques années, j’ai approfondi encore davantage la gestalt-thérapie dans le processus d’obtention de mon permis de pratique de la psychothérapie délivré par l’Ordre des psychologues du Québec. Voilà maintenant plus de 20 ans que j’offre les ateliers LA VOIX OUVRE SUR LE MONDE
Vous ne devez pas avoir beaucoup de concurrents dans ce domaine?
Je crois qu’il y a quelques personnes au Québec qui abordent le travail de la voix dans une perspective de croissance personnelle, mais, effectivement, il y a très peu de gens qui font précisément ce que je fais. En Europe, par contre, cette approche est plus développée. En France, notamment, certaines universités offrent des cours voix-thérapie.
Cette thérapie est-elle reconnue dans le milieu médical québécois ?
Pas spécifiquement. Mais la thérapie par l’art, qui s’y apparente d’une certaine façon, est de plus en plus reconnue et utilisée dans le système de la santé comme outil de support. À l’Université Concordia, par exemple, on offre une maîtrise en art-thérapie. On utilise notamment cette approche avec des enfants malades et des patients atteints d’un cancer. Quant à la voix-thérapie, elle est encore très à l’avant-garde si je puis dire, mais je constate qu’il y a de plus en plus de jeunes scientifiques et de jeunes médecins qui s’y intéressent et en font la promotion.
On sent aussi un intérêt manifeste pour ce type d’approche dans différents autres secteurs. Par exemple, on a récemment créé un atelier de danse-thérapie aux Grands Ballets canadiens de Montréal et un atelier d’art-thérapie au Musée des beaux-arts de Montréal.
La voix-thérapie permet-elle de traiter un large spectre de problèmes ?
Oui, elle permet d’aborder tout ce qui concerne les difficultés liées à l’expression personnelle et aux difficultés relationnelles : anxiété sociale, problèmes de couple ou de relations familiales, difficultés d’ordre sexuel, solitude, etc. La voix-thérapie peut aussi se révéler apaisante dans le cas de manifestations psychosomatiques comme la somatisation, l’insomnie, les abus d’alcool ou de drogues, les comportements compulsifs, les problèmes alimentaires, etc.
À partir de quel âge peut-on participer à vos ateliers ?
À partir de l’adolescence. C’est un âge où l’expression de soi est parfois ardue… Beaucoup d’émotions sont impliquées et souvent mélangées. Un cheminement thérapeutique aide à éclaircir ce qui semble confus, à définir des sensations demeurées vagues jusque là. Mais à tout âge, il est fascinant de découvrir sa véritable voix. En l’utilisant pour interpréter des chansons ou pour lire des textes poétiques, par exemple, on en vient à conceptualiser des ressentis inexplorés et à apprivoiser des émotions complexes.
Quels genres d’attentes ont les personnes qui assistent à vos ateliers ?
Elles s’attendent toutes à ce que ça aille mieux! Elles veulent se sentir moins coupables et moins tourmentées. Elles s’attendent à dénouer les nœuds dans leurs corps et dans leurs relations, à mieux respirer au sens propre et au figuré. Elles veulent être plus légères, plus mobiles.
Recommanderiez-vous vos services aux femmes enceintes ou ménopausées, et aux hommes andropausés ?
Pourquoi pas! J’ai beaucoup de ces gens dans ma clientèle, des gens qui ont davantage de temps pour eux et qui ont envie de renouer avec leur vie intérieure, de prendre soin d’eux-mêmes après avoir pris soin de leurs enfants.
J’ai toujours eu plus de femmes dans mes ateliers, notamment des femmes attirées par les arts d’expression : le chant, le théâtre, l’écriture, la poésie. Mais j’ai aussi des hommes de tout âge, et ils seront toujours les bienvenus !
Quant aux femmes enceintes, j’ai vécu des expériences très touchantes avec celles qui voulaient chanter pour leur bébé à naître. La mère crée ainsi un lien très intime avec son enfant. Et en pareil cas, l’expérience est encore plus riche si le père participe aussi. Le bébé apprend alors à reconnaître la voix de ses deux parents et il intériorise la relation forte qui unit le père à sa mère.
Les personnes qui font appel à vos services recherchent-elles un résultat en particulier ou sentent-elles simplement qu’elles ont besoin de s’exprimer, sans rien attendre de spécifique au bout du compte ?
Les personnes qui font appel à moi arrivent habituellement avec une demande assez précise au départ, que ce soit un problème physiologique, comme la voix qui s’éraille ou qui s’éteint, ou encore de l’insomnie, un manque d’énergie, de l’hypertension ou un état dépressif. Ça peut être aussi qu’elles traversent une période de crise conjugale ou une réorientation de carrière difficile, mais en général, elles sont insatisfaites de leur expression personnelle et de leurs relations interpersonnelles – professionnelles, familiales ou amoureuse. En plus des outils techniques, elles recherchent une écoute, un lieu pour apprivoiser une plus grande liberté d’expression, une proximité plus grande avec autrui.